Cinq générations de chefs d’entreprise sont le limon aujourd’hui des établissements Carré. Hommes de marketing avant l’heure, ils ont su prévoir et anticiper l’évolution des marchés et ont surtout su s’y adapter. Dans un métier qu’ils connaissaient plus que tout autre, génération après génération, ils ont imposé à leur propre entreprise les transformations radicales, indispensables à l’évolution qu’ils pressentaient.
En 1888, Ernest Carré, fils d'un fabricant de Chaumont-sur- Loire, décide de s'installer à Paris et prend le pari de développer le négoce de la chaux à bâtir et de carreaux céramiques, faïences et terres cuites. Il y adjoindra, par la suite, avec son fils Gustave, des produits réfractaires dont le bâtiment et l'industrie sont alors fort demandeurs.
1925 : les années folles, la grande vague de l’Art Déco. L’entreprise va véritablement conquérir ses quartiers de noblesse grâce à l’intuition de Roger Carré qui pressent, avant l’heure, le formidable développement de la décoration de la maison, l’entreprise s’installe sur un marché neuf et en plein essor : les carreaux décorés et les carrelages traditionnels de facture artisanale. Carreaux de Beauvais, carreaux d’Auneuil, pavés de Bourgogne ou tomettes provençales, faïences émaillées, bordures, frises…
Les produits courants seront progressivement abandonnés par Jean-Michel Carré à partir de 1955 qui choisit de se spécialiser dans la fabrication des produits haut de gamme et sur mesure qui seront, pour l’avenir, le fer de lance et l’image de marque des établissements Carré.
Aujourd’hui, face à l’internationalisation des marchés, Carré a fait le choix de l’alliance avec le groupe Jolies Céramiques S.A., industriel français spécialisé dans la fabrication de carrelages haut de gamme (Émaux de Briare, Aurum…), qui assure à l’entreprise sa pérennité, sa capacité d’investissement et lui permet de relever comme par le passé les défis stratégiques de l’avenir.
Depuis l’origine, Carré poursuit la démarche cohérente qui assure son succès : qualité, créativité et ouverture sur le monde.
Une technique rigoureuse permet de proposer des produits beaux et solides. Un laboratoire de recherches céramiques performant améliore sans cesse résistance, fiabilité et qualité des produits. La créativité est la réponse impérative à l’attention de la clientèle. Au fil des époques, l’un des atouts majeurs de réussite et d’ouverture fut l’étroite collaboration culturelle avec des décorateurs d’avant-garde, des stylistes et céramistes renommés, creuset qui permit tout naturellement le renouvellement régulier des styles. Voilà près d’un siècle Jean Royère ou Jean Bourdet, naguère Roger Capron, Jacques Luzeau et Jean Piantanida, ou plus récemment Hilton Mc Connico et Andrée Putman autant de styles, de personnalités et d’époques qui ont marqué la production des établissements Carré et contribué à leur réputation.
Installée depuis 1888 quai de Valmy à Paris, au bord du canal Saint-Martin, en face du fameux hôtel du Nord, la maison démarra avec Ernest Carré son activité de grossiste en matériaux de construction. Dès 1937, les décorateurs d’avant-garde tels Jean Royère, Louis Sognot font appel à son concours. Spécialistes des arts décoratifs, ils entraînent la société vers la création de produits céramiques de grande qualité. En 1952, Jean-Michel Carré attrape le virus du carrelage. Il rachète les usines qui travaillaient pour lui et maîtrise ainsi la création, la fabrication, la commercialisation de carrelages décorés haut de gamme.
Carré aujourd’hui reste une affaire de professionnels. Élaborés sur la planche à dessin, imaginés, inventés, mis au point, peints à la main dans un laboratoire de céramique, les carrelages sont fabriqués dans le Béarn, à Orriule. Cachée au creux d’un paysage vallonné, vert à perte de vue, c’est là que l’on découvre les « secrets » de fabrication dans le calme de la campagne. La tradition de la terre cuite existait ici. Les ateliers ont été bâtis sur le site d’une ancienne poterie.
L’argile, extraite sur place mais aussi dans l’Allier et en Charente, est débarrassée de ses impuretés; broyée et cuite elle devient chamotte; délayée, filtrée elle devient barbotine; filée sous forme de pain, elle est prête à être transformée en ruban plat et découpée à l’emporte-pièce pour prendre sa forme définitive de carreau; mise sur un rayonnage par une main experte, la pâte molle sèche dans une étuve.
Une première cuisson dans un four tunnel tapissé de fibres céramiques lui donne son aspect biscuit. Transportés, les carreaux filent lentement vers l’émaillage : une fine pluie blanche qui tombe d’une cloche est propulsée par une turbine, ou bien encore appliquée au pistolet d’un geste expert. La deuxième cuisson, elle, s’étale pendant vingt-quatre heures. Là, la pâte va durcir en profondeur. Décorés à la main à l’aide de pinceaux, au tampon, au pochoir ou bien en sérigraphie, ils vont subir une ultime cuisson. Le feu fait flamber les couleurs; l’émaillage y ajoute un brillant, une légèreté, une translucidité tout à fait merveilleux… c’est l’état de grâce.
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